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Allocution du Président de la République française devant les deux chambres réunies du Parlement algérien: "Tant d'écrivains algériens ont apporté à la langue française leur génie, Kateb Yacine, Mohammed Dib, hier, Assia Djebar, Anouar Benmalek...  (Alger, 20 décembre 2012):

 

Invitation d'Anouar Benmalek par le président de la République française à l'accompagner en Algérie, lors de sa visite d'Etat, (Paris-Alger-Tlemcen, 19 et 20 décembre 2012): annoncée par Le Monde, L'Express, Challenges, BFMtv, Europe 1, FranceTVInfo, Jeune Afrique, etc.

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"L’écrivain algérien le plus talentueux depuis Kateb Yacine a été invité par François Hollande pour l’accompagner en Algérie"  ( El Watan, Rémi Yacine, le 19 déc. 2012)

 El Watan : Comment percevez-vous votre invitation par le président François Hollande à faire partie de sa délégation ?

 Anouar Benmalek : C’est évidemment un grand honneur qui m’est fait. J’ai le lourd privilège d’être citoyen de deux grands pays, l’Algérie et la France. J’ai quitté l’Algérie il y a vingt-et-un ans dans des circonstances difficiles. J’y reviens dans l’Airbus présidentiel, accompagnant le président français pour assister à sa rencontre avec le président algérien !  Le symbole est très fort pour moi et m’émeut à un point que vous ne pouvez imaginer, moi dont toute l’œuvre est irriguée par l’Algérie et qui aime si profondément le pays de mon père et le pays qui m’a accueilli.

E.W : Comment voyez-vous les relations franco-algériennes ? Peut-on dépasser la passion historique ?

 A.B : Certains hommes politiques ont parlé des aspects « positifs » du colonialisme. Je pense, pour ma part, que l’aspect le plus positif du colonialisme est sa fin. Le cinq juillet 1962 clôt un épisode de l’histoire commune de l’Algérie et de la France, le colonialisme, qui reste, et de quelque manière qu’on l’appréhende, un déni de justice contre ceux qui, pendant trop longtemps, ont été affublés du nom d’indigènes

 Cinquante après, nos deux pays ne sont plus des pays innocents, l’histoire, la sale histoire des hommes, les a déniaisés. Pays « frontaliers » (puisque la mer Méditerranée, en ce 21ème siècle débutant, ne suffit plus pour séparer), condamnés à se supporter, ils devraient au contraire choisir de faire de leur terrible histoire commune et de leur proximité géographique un atout et choisir la voie de la grandeur : la signature d’un grand traité d’amitié et de coopération, conçu par deux partenaires adultes, puissants, riches, ayant une connaissance précise de leurs intérêts réciproques, intégrant également  le fait précieux que, dans sa chair, une partie non négligeable des citoyens de l’un des partenaires est originaire de la population de l’autre partenaire.

Transformons, sans tomber dans l’angélisme, les haines, les rancœurs, les malentendus, les peurs en leurs contraires : l’amitié, la compréhension, la coopération.

Nos deux pays en sortiraient grandis et renforcés même dans leur sécurité. En fin de compte, un grand traité de ce genre serait une exigence non seulement morale, mais aussi stratégique, en ce temps où une partie de Sahel est directement menacée par la gangrène meurtrière des mouvements terroristes se réclamant d’Al-Qaïda.

E.W : En tant qu'écrivain et intellectuel, qu'avez-vous envie de dire aux présidents François Hollande et à Abdelaziz Bouteflika ? 

A.B : Il tient à eux de faire en sorte que leur rencontre soit du type De Gaule-Adenauer.  Les réalistes des deux côtés de la Méditerranée prétendront que ce serait du plus haut degré de naïveté que de l’espérer dans le contexte actuel. Mais de quoi donc, depuis cinquante ans, peuvent se prévaloir ces fameux « réalistes »? Ce sont, au contraire, les « rêveurs » qui ont osé lancer la proclamation du 1er novembre 1954 qui allait mener à la libération de l’Algérie. Ce seront, par conséquent,  d’autres « rêveurs », français et algériens, ensemble cette fois, qui rapprocheront nos deux pays — mes deux pays — par un traité d’amitié à la hauteur des chagrins et des espoirs de leur histoire commune.

 E.W : Y a-t-il une différence entre la politique de l'ancien président Nicolas et celle de François Hollande sur l'Algérie ? 

A.B : Une des étapes du voyage du président français me paraît exemplaire à ce sujet. Lors de sa visite en Algérie, la France, par la voix de M. François Hollande, va enfin rendre hommage à Maurice Audin, assassiné par les services du général Aussaresses. Le précédent président n’avait même pas répondu à la lettre de la veuve d’Audin demandant à ce que les circonstances de la mort de son mari soient éclaircies et que la France assume sa responsabilité dans  cette affaire…

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Rfi, 21 décembre 2012 : "Paris et Alger « sont des partenaires essentiels », insiste, dans le quotidien communiste, l’écrivain Anouar Benmalek."
 

Anouar Benmalek:  « Alger et Paris, des partenaires essentiels » (R. M, 21 déc. 2012)

Pour l’écrivain Anouar Benmalek, présent dans la délégation qui accompagne François Hollande en Algérie, l’exigence de vérité sur la nature du système colonial est profondément ancrée dans la société algérienne.

L'Humanité: Le président Hollande annonce un « nouvel âge » des relations entre la France et l’Algérie. Une page peut-elle selon vous se tourner, cinquante ans après l’indépendance de l’ex-colonie ? 

Anouar Benmalek: Essayons de ne pas être  pessimistes. Au minimum, il y aura moins d’aspects négatifs dans cette relation. Mais ne soyons pas trop optimistes, les pesanteurs restent très lourdes, des deux côtés. En France, par exemple, beaucoup ne comprennent pas l’insistance des Algériens à réclamer une expression claire sur le colonialisme. Les gens n’arrivent pas à comprendre que pour les Algériens, la définition du colonialisme comme déni de justice relève de l’évidence. Certains pensent que tout cela relève du jeu politicien. Mais au-delà de l’utilisation qui peut en être faite par le pouvoir algérien, c’est une revendication très profonde, une revendication de dignité. D’un autre côté, en Algérie, nous n’avons pas eu cette exigence, ce devoir de vérité envers nous-mêmes sur notre propre guerre de libération. 

L'Humanité: Comment se traduit cette instrumentalisation de la mémoire coloniale, côté algérien ? 

Anouar Benmalek: Pour le pouvoir algérien, c’est un capital politique. Le peuple algérien aspire, bien sûr, à la reconnaissance de la tragédie que fut, pendant 130 ans, le colonialisme. Mais le pouvoir, de son côté, gère cette mémoire comme un capital de légitimité, auquel il n’entend pas renoncer si facilement. 

L'Humanité:  François Hollande a parlé, ici à Alger, des Français d’origine algérienne et des Franco-Algériens en des termes très différents de ceux de son prédécesseur. Est-ce à vos yeux un atout pour bâtir de nouvelles relations entre les deux pays ? 

Anouar Benmalek: Il y a un changement de ton. Je suis moi-même de double nationalité et j’apprécie que l’on ne me demande pas de choisir.  J’aime profondément mon pays, l’Algérie et j’aime profondément la France, ce pays qui m’a accueilli dignement au moment où j’en avais besoin. J’ai maintenant deux pays et j’entends l’assumer ainsi. Pour moi, il n’y a pas de conflit de loyauté si l’on a une conscience claire des valeurs auxquelles on attache un prix. 

L'Humanité: Vous avez évoqué dans la presse algérienne l’idée d’un axe Paris-Alger qui pourrait, selon vous, être aussi important pour la Méditerranée que l’axe Paris-Berlin le fut pour la construction européenne. Qu’entendez-vous par là ? 

Anouar Benmalek: Il est temps que nous soyons conscients des intérêts des uns et des autres. L'Algérie est un très grand pays, sa population est jeune, cultivée, il est temps qu’elle sorte de ce repli sur elle-même. Sans sentimentalisme, simplement en termes d’intérêts mutuels, l’un des partenaires essentiels de l’Algérie devrait être la France.