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“L’Enigme du retour” de Dany Laferrière, et “Le Rapt” - roman de l’écrivain algérien Anouar Benmalek (Ed.Fayard) - sont incontestablement à compter parmi les grands livres de cette rentrée littéraire en France ( un avis qui n’engage que moi, bien entendu). Deux livres qui confortent la place de ces écrivains dans le paysage littéraire d’expression française. Une chronique sera ultérieurement consacrée au livre de Laferrière. Aujourd’hui, place au “Rapt” d’Anouar Benmalek...
J’ai lu “Le Rapt” d’une traite en Algérie - et c’est autre chose lorsqu’on lit le livre d’un écrivain dans son pays d’origine. On a l’impression que les ombres qui déambulent entre les pages suivent la respiration de votre lecture et vous poussent à ne pas voir la nuit tomber ou le jour se lever. Le livre est un pavé de plus de cinq cent pages. Et jamais un pavé ne se lit aussi vite ! L’écriture électrique, ciselée, drôle à mourir et la force du regard porté sur un des grands événements de l’histoire d’Algérie( le massacre de Melouza http://www.cartage.org.lb/fr/themes/Geohis/Histoire/chroniques/pardate/Chr/570529a.HTM) montrent à quel point Benmalek est un écrivain “à risques”. Mais son talent est une assurance.
Qu’on n’aille surtout pas conclure que l’épisode du massacre de Melouza constitue l’essentiel de ce livre attachant. C’est surtout avant tout l’histoire d’Aziz - en somme un Algérien moyen - en prise avec l’Algérie contemporaine. Un homme dont le cours de l’existence va basculer le jour où sa fille est enlevée et qu’un mystérieux ravisseur le menace s’il alerte la police. Aziz doit donc se lancer seule dans la tragédie. Ou alors trouver d’autres secours, en particulier son beau-père, un Français. Mais est-ce vraiment la bonne personne ? N’est-il pas un des pans de la guerre d’Algérie ? Du coup, dans ce roman, le simple détail devient un mystère, le puzzle se complique au fur et mesure qu’on avance, et lorsque le rire nous emporte, la surprise n’est pas très loin.
Le passage sur les
bonobos, ces singes offerts à l’Algérie par un dictateur du
Congo-Brazzaville est un moment d’Anthologie. Pour le rire
et pour le pire. On présente le livre comme un “thriller”,
mais avec une nation algérienne dont les cicatrices ne sont
pas encore pansées, “la vie devant soi” devient un thriller.
Et il faut apprendre à vivre entre crimes et châtiments…
Benmalek a écrit le grand roman de l’Algérie contemporaine.
Celle qui regarde l’avenir et refuse le repliement.
Par Alain Mabanckou | le 21 Août 2009
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Autre extrait du blog de Mabanckou (2 décembre 2009)
L’année littéraire 2009 aura été riche en publications... Il reste toutefois un regret : Le Rapt, roman d’Anouar Benmalek qui, à mon avis, a été sous-estimé par la critique et dont on n’a pas perçu la force et la bravoure. Je ne désespère pas que la France comprendra un jour que cet écrivain algérien bâtit une œuvre indépendante, foisonnante et pleine d’humanisme. C’est un livre que je ne quitte plus depuis quelques mois. Faites l’expérience, vous me donnerez raison…
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