ANOUAR BENMALEK À CONSTANTINE
Le retour 20 ans après
26 Juin 2006
L’auteur cherche, dans son combat humaniste, la réconciliation avec l’œuvre littéraire.
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Anouar
Benmalek écrivain journaliste, né d’un mariage mixte (mère marocaine et père
algérien) en 1956, était présent à Constantine samedi, où il a animé une
rencontre, débat au Centre culturel français. Auteur de plusieurs œuvres
littéraires, l’écrivain a pourtant fait des études en mathématiques et obtenu un
doctorat d’Etat en probabilités et statistiques, ce qui lui a permis de
décrocher un poste de professeur de mathématiques à l’université des sciences et
des technologies d’Alger. Durant cette même époque, Anouar Benmalek était
journaliste au quotidien Algérie-Actualité.
Révolté par les événements d’Octobre 1988, l’auteur ne
pouvait se permettre de rester les bras croisés. Prêt à se jeter à l’eau, il
fonda d’emblée avec d’autres intellectuels le «comité national contre la
torture» dont il assura le rôle de secrétaire général pendant quelques
années et c’est justement pendant cette période qu’il s’investit plus dans
l’activité journalistique. L’auteur dira au cours de la rencontre de ce samedi:
«Il est indispensable de faire revivre cette littérature qui nous appartient
et qui est malheureusement exploitée à l’extérieur». Ces propos ont été
prononcés à l’occasion de la sortie de ses nouvelles œuvres littéraires, à
savoir Ô Maria aux éditions Fayard 2006 et qui sera disponible le mois de
septembre prochain.
Anouar Benmalek qui n’est pas revenu à Constantine depuis 20
ans, s’est dit ému et déçu. Emu, par le changement urbain choquant de la ville
où il avait fait ses études, rendant pour responsable «le temps», déçu
par le traitement qu’on inflige à une ville qui mérite mieux à ses yeux. «L’ensemble
des émotions provoquées par mon retour m’a complètement déstabilisé, troublé et
j’ai mis du temps à retrouver mes repères.»
L’orateur abordera plusieurs sujets :la littérature, le
terrorisme, le Moyen-Orient, la technologie, l’art et le cinéma. Tout est
relatif, selon lui. En s’intéressant à la littérature en Algérie, Anouar
Benmalek estime que «l’Algérie est le pays le plus privé de littérature.
Comment peut-on subventionner des cartes de télévision satellite pour regarder
le Mondial et refuser la même procédure pour la littérature...La grandeur des
nations est avant tout le livre.» L’auteur cherche, dans son combat
humaniste, la réconciliation avec l’œuvre littéraire et à réintégrer le livre
dans une société privée selon lui, de l’œuvre la plus merveilleuse, réalisée par
l’être humain et qui peut rapporter une richesse à la nation. «On possède de
l’argent que nous n’avons pas mérité, parce qu'il est issu de menaces de
guerres, ou de guerres proprement dites, notamment au Moyen-Orient... On
s’investit dans la production de l’armement mais pas dans la production du
livre... C’est absurde.»
Plus loin dans son intervention, l’auteur ne manque pas de
critiquer, en passant, le baccalauréat. C’est une bombe politico-sociale que vit
le peuple algérien, dira-t-il... Il revient sur sa réussite à l’étranger et pas
en Algérie, il dira: «C’est peut-être le fruit du hasard...» Mais en
Algérie il n’avait aucune chance: «Mon expérience au pays m’a donné l’envie
de pleurer, vu le massacre que j’ai constaté». Il poursuit: «Même en
France, cela n'était pas facile, c’est le parcours du combattant, mais j’ai
finalement "réussi" à être publié» Cela lui a permis quelque part
d’être exigeant envers lui-même. L’auteur, qui semble, selon ses déclarations,
très philosophe en ce qui concerne l’existence, ne cesse de chercher la réponse
à pourquoi on vit et pourquoi doit-on mourir? C’est là toute la question.
Pourrions-nous dans ce cas, sous toute réserve, croire que
Anouar Benmalek souffre d’un vide spirituel ou doute-t-il de sa foi? Enfin,
abordant les problèmes du monde arabe dont les chefs dirigeants sont la cause
principale de son malheur, l’orateur ne manque pas d’aller au fond de sa pensée
avec une boutade: «Pour régler ce problème, notamment au Moyen-Orient, il y a
deux solutions : l’une est naturelle, et ça serait que Dieu descende sur Terre
pour mettre un terme au désarroi de ces peuples, l’autre est surnaturelle et
consiste en une réconciliation des chefs dirigeants pour en finir avec
l’injustice.»
Ikram GHIOUA