L’oubli ou le cancer jamais guéri de l’Algérie

Octobre 2006

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Notre pays, l’Algérie, semble avoir poussé au plus haut point, la qualité paradoxale suivante : ne pas oublier d’oublier ! L’amnésie —les amnésies et leur corollaire juridique : les amnisties !—devient la caractéristique principale de notre comportement national, peuple et pouvoir confondus pour une fois (même si c’est pour des raisons parfois antagonistes) face à la répétition des soubresauts sanglants endurée par l’Algérie depuis son indépendance si chèrement payée en 1962.

Cette Histoire de sang et de larmes est pourtant notre Histoire et tant que nous ne la regarderons pas courageusement droit dans les yeux, ses aspects tragiques nous rongeront, comme nation et comme individus, à l’instar d’un inguérissable et mortel cancer.

Personne ne réchappe de l’Histoire, et surtout pas ceux qui prétendent, à coups de mensonges, de propagande incessante et de textes de lois comminatoires,  imposer l’ignorance de la face la plus hideuse de cette même Histoire !

À chaque grande cassure de notre corps social, nous n’avons de cesse de subir, la honte au cœur mais secrètement soulagés, le renouvellement du même écœurant scénario : la victime et son abominable assassin, le supplicié et son bourreau (galonné ou non, imberbe ou portant barbe), le criminel à grande échelle et l’honnête citoyen sans défense, sont mis sur le même plan moral par le biais de cette attitude infâme de lâcheté, clamant en substance qu’il est toujours urgent de pardonner sur notre terre puisque, n’est-ce pas ?, les Algériens sont tous frères.

Certes, nous pouvons faire semblant, par exemple, d’oublier les morts d’octobre 1988, les martyrisés à l’électricité, les noyés dans les baignoires, les violés, les bastonnés. Les plus « malins » avanceront même un argument qui semblera imparable : les massacres d’octobre 88 sont infiniment moins importants que ceux des années de terreur qui allaient leur succéder. Oui, cela n’est pas faux, mais depuis quand la simple existence d’épouvantables tueurs en série suffit-elle à absoudre les assassins de « moindre » envergure ?

Relisez encore une fois le Cahier noir d’Octobre et les témoignages des suppliciés. Vous y rencontrerez évidemment leur douleur, inimaginable, indescriptible mais aussi, de manière concomitante, le courage lumineux qui a été le leur au moment de témoigner, face à la toute-puissance de leurs tortionnaires.

Ce même courage dont, hélas, notre grand pays semble, à présent, si peu digne.

                                                                            

                                                                                                                                                             Anouar Benmalek (préface d'un livre)