Nouvelle collection des éditions Sédia
«A bâtons rompus» avec Anouar Benmalek
 

   Réalisés par le poète et critique littéraire Youcef Merahi, les entretiens sont un voyage dans l’univers des artisans des mots. Dans Vivre pour écrire, Anouar Benmalek parle de mathématiques, «dont certaines démonstrations sont aussi belle qu’un morceau de Bach», de littérature, de patrie, de langue et bien d’autres choses dont le "grand livre", celui qu’il n’a pas encore écrit.
    Avec spontanéité et sincérité, l’auteur des Amants désunis se prête aux questions pertinentes de Youcef Merahi, qui s’invite sans indiscrétion aucune dans l’univers du chercheur mathématicien poète. Et comme un voyage dans le monde et l’imaginaire d’un écrivain ne ressemble à aucun autre voyage, celui de Vivre pour écrire est une expérience unique. Celle des mots façonnés et des concepts uniques. «Anouar Benmalek est un homme à l’abord aisé, en ce sens que son sourire captive et attire. Il ne s’en départit jamais… très simple, il ne porte pas sur ses épaules le fardeau de l’écrivain. Il ne le crie pas à tue-tête, comme d’aucuns s’amusent à exhiber ce statut» écrit Merahi.
    Résultat collatéral d’un passage à Alger, où Anouar Benmalek était venu présenter Le poumon étoilé, Vivre pour écrire est un cocktail d’analyse logique et de poésie.
Extrait de la poésie : «Je crois que, si l’écriture littéraire était de l’athlétisme, la poésie serait son épreuve reine : le cent mètres…La poésie est l’Everest de la littérature et je n’ai probablement pas le souffle nécessaire pour publier des recueils de poèmes les uns à la suite des autres» La lecture et de l’écriture : «La lecture - la bonne - impose un effort pour lequel la récompense n’est pas toujours au rendez vous… Cette capacité à provoquer l’interrogation perpétuelle représente pour moi le but de la littérature et si vous m’excusez la grandiloquence du propos, l’honneur de l’esprit humain». L’écrivain : «Le métier d’écrivain, c’est un labeur peu glorieux fondé d’abord sur la patience» «Aussi, cet ego, quoique ridicule, est un levier nécessaire pour écrire. Par contre, là où cet ego est dangereux, c’est quand il vous illusionne sur vos capacités littéraire au point de vous pousser à penser- et sans le moindre humour : je suis le meilleur !» L’usage de la langue : «Nous sommes Méditerranéens et le fond commun de cette région devrait être ressenti non pas comme un handicap, mais comme une extraordinaire richesse. Nous autres Algériens, avons cependant le chic de nous comporter comme des enfants gâtés. Plus nous sommes riches, plus nous nous plaignions. Nous parlons l’arabe, dialectal et classique, quel coup du sort !... nous comprenons le berbère, quelle misère !...Nous maîtrisons le français, langue de l’ancien colonisateur, quelle tragédie !». La patrie : «C’est l’émotion que je ressens quand j’entends El Anka, et ce quel que soit le pays où je peux me trouver… La patrie n’est pas un terme abstrait, c’est plutôt le partage d’un certain capital effectif et culturel, à nul autre pareil, avec nombre de personnes habitant physiquement - ou même seulement en esprit - une même région du monde». La littérature : «Ma vie, c’est la littérature ; et la littérature, c’est ma vie!» Et j’ajouterai : pour le meilleur et pour le pire !...parce que je ne me vois pas faire autre chose qui m’impliquerait, chair et âme, aussi passionnément». L’œuvre : «Mes romans sont toujours moins durs que la réalité qu’ils prétendent décrire, et ce, quel que soit le roman que je prends dans ma bibliographie, même le plus violent». «L’exil, aussi dur soit-il, est parfois nécessaire à l’écrivain car il le sort de la prison confortable de la pensée toute faite, qui semble aller de soi, tellement nous y sommes enfermés depuis notre plus tendre enfance».
    De l’homme: « La diversité m’évite d’abord d’être, pour des raisons pour ainsi dire biologiques, raciste ou xénophobe! »


25-02-2007
Lamia S.